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Lumières et L’inexprimable (Yite Chang Récital de Bachelor)

  • peiyao3
  • Jun 1, 2022
  • 6 min read

Updated: Jun 3, 2022


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Programme

Maurice Ohana (1913-1992)

Si le jour paraît… pour guitare à 10 cordes (1963)

III. Masa-Marsya

VII. Alba (Aube)


Fausto Romitelli (1963-2004)

Solare (1984)

Gaspar Cassadó (1897-1966)

Canción de Leonardo (1926)


Giovanni Battista dalla Gostena (ca. 1540-1598)

Da intavolatura di liuto di Simone Molinaro Venezia (1599)

Fantasia Terza

Fantasia Settima


W.A. Mozart (1756-1791)

Don Giovanni, K. 527(1787)

Vedrai carino se sei buonino

Recitativo + Deh vieni alla finestra, o mio tesoro

Recitativo + Là ci darem la mano

Batti, batti, o bel Masetto

Zerlina/ Elionor Martínez Lara Don Giovanni/ Roger Casanova







Le présent programme reflète différents types de lumière. Elle est d’une part suggérée par les titres explicites donnés par les compositeurs, tel que Solare, Aube dans Si le jour paraît…, qui ne sont pas des étiquettes anodines, mais représentent d’importants catalyseurs de notre attention. D’autre part, elle est suggérée par des caractères lumineux dans la musique : l’espoir, le paradis, la transcendance et encore, la joie de vivre.


La musique et la lumière sont éphémères : percevoir la musique n’est qu’un instant insaisissable et la lumière est un phénomène immatériel. Pourtant, bien que ces deux choses soient éphémères, l’effet qu’elles évoquent, rappellent ou réveillent souvent en nous quelque chose d’inoubliable - un souvenir lointain, une expérience particulière ou un sentiment inexprimable.



L’ensemble de ce programme est l’expression de ma perception du beau.





SI LE JOUR PARAIT...


Dans l’attente de la lumière et la vérité


Ce cycle de sept pièces emprunte son titre au soixante et onzième de Caprices de Goya : ‘‘Si amanece vamos’’ * , « Nous, précise Ohana, ce sont les monstres nocturnes, les mauvais esprits. Si le jour vient, si la vérité se fait, ils sont obligés de fuir… » réf 2.

Mais le compositeur n’a pris que la moitié du titre, on peut donc se demander : « Quand le jour paraît, tout recommence-t-il, ou tout disparaît-il dans l'indifférence de l’oubli ? »réf 3.


III. Masa-Marsya est « un hymne à la lumière et au renouveau qui suscite le retour du mois de mai, et l’évocation du vent porteur de vie et de mouvement. »réf 2.

Ce mouvement commence de façon vive et frénétique, adopte délibérément un style flamenco, celui de la note répétée avec des masses d’accords ininterrompus qui alternent avec des oppositions de timbre.


Mouvement tumultueux et sombre, les quatre cordes ajoutées dans la basse de guitare à 10 cordes se mettent au service de la résonance sympathique pour créer de l’ombre. La 7ème corde est un Do grave, la 8,9 et 10ème s’accordent en Si bémol, La bémol et Sol bémol.


VII. Alba (Aube)

Le cycle se termine avec Aube, pièce mystérieuse dont la clarté grandissante éloigne les monstres nocturnes qui hantaient Goya. Les notes égrenées, dans un jeu de tiers de ton élargissent ainsi les possibilités mélodiques et l’harmonie.



*Si le jour paraît, nous partons.




SOLARE


La lumière apparaît, se transforme et se déploie



Une pulsation produite par l’ongle frappant la première corde sur le chevalet s’éteint peu après le début et le rideau s’ouvre sur une scène dépouillée :

Des sons qui papillonnent dans le vide en dessinant une ligne qui tend à se fondre dans le passage de registre et dans le lever des harmoniques.réf 5 Ce début me rappelle le tableau de Georgia O’Keefee Morning sky:


‘‘une bande jaune pâle s’étend juste au-dessus de la terre, dont la couleur intense passe du bordeaux profond à une large bande pourpre. Au-dessus du simple trait de soleil, on aperçoit encore le ciel nocturne, représenté par une flamboyante combinaison orange, rouge sang et l’indigo.” réf. 4

La pièce est construite avec plusieurs couches de voix, les éléments apparaissent puis disparaissent, tout comme le changement de lumières naturelles à notre perception : subtiles, fragiles, instantanés. La complexité s’ajoute au fur et à mesure, la tension s’accumule jusqu’à l’avant dernière partie indiquée ‘‘molto ampio e sonoro’’ pour mener à ‘‘vibrante e luminoso’’ : unisson et octave de la note Mi, la note la plus vibrante avec résonance sympathique à la guitare.


Dans la partie finale un motif ancien apparaît pour être soudain dissous dans la poussière des sonorités, tandis que l’intervention de la voix du guitariste, avec l’oscillation sur un intervalle diatonique, ajoute un coup de pinceau de couleur. réf 5






CANCIÓN DE LEONARDO


Une pensée au petit ange mort


Une berceuse pour un ange, un petit enfant mort. Une simplicité douce et perlée, la mélodie est chantée deux fois en mineur, puis la toute dernière fois en majeur avec d’autant plus de tendresse. A la fin, l’âme qui s’envole est refletée par les accords parallèles ascendants, continue son voyage en harmoniques vers la cadence finale: l’espace entre le ciel et la terre, la mort et la vie est ouvert pour cette unique instant, il semble court temporellement pourtant éternel intérieurement. Ainsi, la porte se ferme devant nous, avec le dernier accord pincé, comme si l’on disait: « Adieu, mon ange. »





DA INTAVOLATURA DI LIUTO DI SIMONE MOLINARO VENEZIA


L'illumination divine, le sentiment de transcendance

Musique de la Renaissance italienne tardive, les Fantaisies de Gostena se trouvent dans le recueil de son neveu et élève Simone Molinaro. Sous influences flamandes et italiennes, ses Fantaisies nous donnent une idée de ce compositeur rigoureux, audacieux et authentique. Ce sont des pages pleines de sentiment et de passions apaisées qui, même après des siècles, caressent notre cœur, le remplissant d’un doux émerveillement. réf 6



La forme de la Fantasia Terza répond au nombre d’or - qui marque l’esthétique de la Renaissance et qui permet d’établir un équilibre agréable et plaisant. Chaque section répond à une entrée importante : Le début commence dans le registre médium avec un paisible motif ondulant, imité rigoureusement par les autres voix jusqu’à la partie centrale qui voit le mouvement monter pour finir dans un esprit plus gai.

De son côté, le premier motif de la Fantasia Settima prend son élan avec des intervalles de tierce mineure et quatre juste ascendantes. Les imitations se suivent sans cesse jusqu'au registre le plus grave de l’instrument, qui se transforme ainsi dans un motif chromatique ascendant.


En jouant cette musique je ressens cette transcendance que Hermann Hesse décrivait :


« … il y avait parfois, rarement, des moments d’émotion, des moments de surprise, où les obstacles s’effondraient et où je retrouvais, moi l’égaré, le cœur vivant du monde.

Attristé, mais aussi profondément agité, j’essayai de me remémorer ma dernière expérience de ce genre. C’était lors d’un concert où l’on donnait une pièce admirable de musique ancienne. Entre deux mesures jouées piano par les bois, la porte de l’au-delà s’était brusquement rouverte. J’avais parcouru le ciel et vu Dieu à l’œuvre ; j’avais souffert avec félicité, n’opposant plus aucune résistance aux choses du monde, ne craignant plus rien, acquiesçant à tout, laissant mon cœur s’ouvrir à tout. » réf 7




DON GIOVANNI, K. 527


La lumière sur l’homme : Revenant à la vie, à l’amour.



Contrairement à l’illumination divine que l’époque de Gostena cherchait, le Siècle des Lumières se veut éclairé par la connaissance. La musique de Mozart se place parfaitement dans l'esprit du Siècle des Lumières. La collaboration entre le librettiste Lorenzo da Ponte et le compositeur commence en 1785 et donne naissance à Don Giovanni, cet opéra qui exprime par excellence son attachement aux idéaux nouveaux : l'amour, la fraternité, les vertus des gens du peuple.


Les trois personnages principaux : Don Giovanni, Zerlina et Masetto, se trouvent dans une relation compliquée. Zerlina, amoureuse de Masetto et de Don Giovanni, dans la première Aria Batti, batti,

o bel Masetto demande à Masetto la juste punition pour son acte d’infidélité. Dans la deuxième Vedrai carino se sei buonino, elle s’adresse une nouvelle fois à Masetto et lui offre sa tendresse pour qu’il oublie sa jalousie.

Ces deux Arias sont arrangés pour la guitare par Fernando Sor dans une simplicité parfaite en gardant la transparence et la légèreté caractéristique de la musique mozartienne. Les deux Arias suivantes ont été arrangées par moi-même avec les suggestions de Pablo Márquez.


Ensuite, dans la troisième Aria présentée ici, après le récitatif, Don Giovanni chante Deh vieni alla finestra, o mio tesoro. Il évoque la douleur profonde de son cœur aimant en suppliant sa belle de le rejoindre.

Pour clore ce chapitre mozartien de la vie et de l’amour, dans la quatrième Aria nous jouons le récitatif suivi du duo de Don Giovanni et Zerlina Là ci darem la mano, dans lequel il propose à Zerlina d'abandonner Masetto et de l’épouser. Dans le récitatif, un échange bouillonnant entre les deux, Zerlina, d’abord se moque de la sincérité de Don Giovanni connu pour être infidèle, puis hésite et finalement ne va pas pouvoir résister au charme musclé, et part avec lui avec félicité.







Références


  1. Anamorphoses : études sur l'oeuvre de Fausto Romitelli sous la direction d'Alessandro Arbo Paris : Hermann

  2. Edith Canat de Chizy, François Porcile - Maurice Ohana - Fayard

  3. Stephan Schmidt - Maurice Ohana l’oeuvre pour guitare - naïve

  4. Alicia Inez Guzman - GEORGIA O’KEEFFE l’espace pour liberté - édition Flammarion

  5. Alessandro Arbo- Le corps électrique Voyage dans le son de Fausto Romitelli - L’Harmattan

  6. Gio. Battista dalla Gostena - Intavolatura di liuto - Giuseppe Gillino - Edizioni Musicali ditta R.Maurri

  7. Hermann Hess- Der Steppenwolf



 
 
 

© Yite Chang 張懿德

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